Les architectes urbanistes ont remporté en quelques mois d’intervalle deux concours prestigieux : celui du Casino du Liban et celui du projet Rachid Karamé à Tripoli.
Avec un portefeuille riche et varié allant des écoles aux hôpitaux, en passant par des bureaux, des immeubles résidentiels, des intérieurs ou des espaces, le bureau d’études des architectes Imad Aoun et Nadim Younès, implanté depuis 1996 à Beyrouth, rajoute deux galons à son palmarès en deux mois d’intervalle. En 2018 d’abord, un concours nominatif pour le Casino du Liban est lancé. « Par nominatif, précise Imad Aoun, c’est le comité du concours qui désigne les participants. » Et voilà comment 12 bureaux d’études se trouvent confrontés avec un même objectif : remporter le premier prix. La première partie du projet consistait à proposer entre les deux bâtiments existants et emblématiques du Casino du Liban, un volume qui servirait de salle de fêtes (Venue). Le premier niveau étant l’extension de la salle de jeux et le deuxième, l’espace réservé aux mariages et autres festivités. Trois bureaux d’études seront présélectionnés pour cette phase. Une deuxième qualification pour la seconde partie les place à la tête de tout le projet. Celui-ci comprend un hôtel de 100 chambres, un amphithéâtre à ciel ouvert pour 12 000 personnes, une salle de Bingo pour 1 000 personnes et des étages de parking de plus de 2 000 places.
Espace emblématique
Inauguré en 1959, le Casino du Liban est rapidement devenu le pôle d’attraction du Moyen-Orient jusqu’à ce que la guerre civile s’intensifie et conduise à sa fermeture en 1989 puis à sa réouverture en 1996. Quand on évoque ce lieu mythique, une image vient automatiquement à l’esprit des plus nostalgiques : deux grands volumes carrés reliés par une longue allée. « Alors, se demande Imad Aoun, comment aborder ce projet sans briser la mémoire visuelle et altérer cette image emblématique inscrite dans l’inconscient de tous les Libanais? Notre concept a coulé de source. Il ne fallait pas faire dans la similitude mais plutôt dans le contraste. » Certains candidats ont choisi de complètement s’intégrer dans l’architecture existante. « Notre bureau d’études a privilégié une intégration par opposition. On a donc imaginé un volume dans une forme organique et libre par opposition à la forme très géométrique du casino. Il fallait qu’il ait une forte identité sans empiéter sur l’architecture. L’aspect du volume du projet est tiré des lignes directrices du volume existant. Le volume organique a créé des espaces et des parcours intéressants entre les deux bâtiments. Le bâtiment initialement conçu en béton est proposé avec un revêtement de cuivre, matériau qui renvoie au concept du luxe dans lequel s’inscrit tout casino. »
Du jeu… mais pas que
La vision novatrice introduite dans la deuxième partie du projet consistait à ne plus associer le concept du casino uniquement aux joueurs mais d’avoir d’autres centres d’intérêt pour attirer les visiteurs. Il fallait donc d’abord concevoir un énorme parc ou le culturel et l’artistique trouveront un écrin idéal pour des événements et des expositions. Le profil du terrain en pente regorgeant de vert est aussi inscrit dans la mémoire visuelle. Il était nécessaire de le préserver. Le projet allait venir s’encastrer dans le sol afin de ne pas affecter le site et une ligne de fontaines longue de 350 mètres créée pour accentuer la forme très linéaire du Casino (le second plan d’eau le plus long après Singapour). La scène de l’amphithéâtre est un plan d’eau qui disparaît complètement dans le sol pour laisser place à une plateforme lors de grands spectacles, le toit de l’hôtel est planté, les mezzanines et les passages entre les deux bâtiments sont aussi travaillés de façon à obtenir un intérieur fluide et organique autour d’un même point focal. Restait la condition ultime : ne jamais obstruer la vue de la mer aux visiteurs. Mission accomplie !
Se mesurer aux plus grands
Tout le monde connaît la Foire Rachid Karamé à Tripoli (récemment rouverte au public) et la signature du grand architecte brésilien Oscar Niemeyer. L’initiative de Raya el-Hassan, alors ministre de l’Intérieur et ancienne directrice de TSEZ (Tripoli Special Economic Zone), consistait à s’octroyer une parcelle de 75 000 m2 (celle qui comprenait l’ancienne administration) du terrain initial qui s’étend sur un million de m2, pour y implanter des bureaux très flexibles, conçus pour s’aligner aux tendances d’aujourd’hui (start-up ou espaces à partager) sous le label de Knowledge and Information Center. Un espace de vie de 60 000 m2 qui s’étale sur deux niveaux de bureaux et des toits verts, 15 000 m2 carrés de cours inférieures vertes et donc un grand espace vert.
Ce deuxième concours remporté par Imad Aoun, Nadim Younès et leur équipe, a été réalisé suivant les normes internationales. « Le bureau d’études qui souhaitait présenter sa candidature, précise Imad Aoun, le faisait d’une manière totalement anonyme. » Le jury formé d’architectes internationaux et le projet ouvert à tous, 700 demandes ont été soumises, 111 ont présenté un projet dont 30 Libanais. Et l’architecte de préciser : « Mais la question incontournable demeurait pour nous : comment intervenir face à Oscar Niemeyer et comment ne pas mettre en danger le site bientôt protégé par l’Unesco sans mettre en péril cette nomination? Il fallait aussi prendre en considération un programme chargé et surtout un site conceptuel. Le défi majeur était d’arriver à implanter un projet fonctionnel dans une site très conceptuel. Nous avons finalement opté pour une approche à la fois fonctionnelle et conceptuelle, celle de descendre tout le projet en sous-sol (cité souterraine) avec la particularité de ne jamais le ressentir, en créant de grands espaces et des cours intérieures comme d’immenses jardins. Et ainsi préserver la vision globale du site. Nous avons ainsi suivi les lignes directrices d’Oscar Niemeyer en appliquant toutefois ce que Renzo Piano a un jour déclaré : “Il faut savoir quand faire les grands gestes et quand se plier aux exigences d’un projet”. »
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